Voici la suite de notre rencontre avec Jean-Michel JUCHET. Après l’épisode 1 (voir ICI) sur le début de sa carrière, nous abordons un moment important avec le sport automobile dont il a été un des principaux piliers pour BMW entre 1991 et 1997. Avec, à la clé, de nombreuses victoires.
BlogBMW.fr : «A quel moment le sport automobile est-il entré dans votre carrière chez BMW ? »
Jean-Michel Juchet : « C’est un autre grand tournant dans ma carrière ! C’est Didier Maitret, Président de BMW France, qui m’a proposé de prendre la gestion du sport automobile chez BMW France. J’avais déjà un emploi du temps qui devait faire plus de 60 heures par semaine… J’ai pris une nuit de réflexion et j’en suis arrivé à la conclusion que je ne pouvais pas dire non au sport automobile. C’était trop beau ! J’ai accepté tout en conservant ce que je faisais déjà à côté à savoir la promotion et le marketing BMW. Cette période de folie a commencé en 1991 pour s’achever en 1997. »
BlogBMW.fr : « Ce fut une belle aventure… »
« Oui mais c’était du 7 jours sur 7, voire nuit et jour ! C’est l’adrénaline que me procurait la gestion du sport automobile qui a fait que j’ai tenu et que j’ai parcouru la France dans tous les sens. Quand on représente BMW, on ne vient pas dans une compétition pour faire de la figuration mais pour gagner. C’est cette volonté qui vous donne la force de faire tout ce qu’on a fait pendant tout ce temps »
BlogBMW.fr : « Trophée Andros et Supertourisme, un beau programme ! »
« A cette époque, nous étions engagés directement en Trophée Andros et en Supertourisme en France. Au tout début, on s’est aperçu que notre partenaire sportif était assez limité en terme d’ingénierie. On avait très bien commencé en Andros notamment avec Jean Pierre Malcher et Michel Ferté, malheureusement récemment décédé. Il apportait beaucoup d’enthousiasme et de sympathie. Il y avait aussi Bertrand Balas, Philippe Gache…. Mais la liste des pilotes est longue !
Faute de développement, toute l’avance que nous avions prise en début d’année avait fondu comme neige au soleil au profit du Team Snobeck qui fut finalement champion en toute fin de cette saison Andros 1991 »
BlogBMW.fr : « Mais vous avez su réagir ! »
« En Supertourisme, en 1991, c’était la dernière saison avec les M3 E30 toutes auréolées d’un palmarès incroyable sur circuit. Nous étions en difficulté car le règlement nous autorisait à augmenter la cylindrée à 2,7 l et nous étions contraints de rester à 2,5 l. Même si Motorsport nous disait qu’avec les pistons Malhe on arriverait à compenser le déficit de cylindrée face à nos concurrents gonflés à 2,7l. En réalité, ce n’était pas le cas. On prenait des risques mécaniques pour essayer de trouver les chevaux qui nous manquaient et on perdait en fiabilité…
C’est alors que mon chemin a croisé celui de Hugues de Chaunac, le patron d’Oreca. On s’est assez vite mis d’accord et on a pu monter les budgets qu’il fallait pour être compétitifs, en faisant entrer le pétrolier belge FINA. Cela m’apportat de solides amitiés avec Pierre Dieudonné, Hugues de Fierlant, Marc Duez, Michel Jodogne, Miguel del Marmol et bien sur Philippe Dehennin avec qui j’ai eu le plaisir de travailler bien plus tard dans la filiale BMW France !
Dès le départ avec Hugues, nous avions mené une réflexion sur les pilotes. Il connaissait un jeune pilote qui marchait bien dans le championnat anglais. Il s’appelle Yvan Muller. Nous avons alors réussi des choses incroyables tous ensemble.
En Andros et aux 24h de Chamonix nous avons développé avec Oreca des E36 Coupé, puis Compact animées par un 6 cylindres en ligne préparé par Pipo. Les succès s’accumulèrent rapidement. J’ai encore de fameux souvenirs avec les organisateurs, les Gervosons, Mamers, Hummel, les concurrents et bien sur notre équipe lors des mémorables courses, mais aussi des troisièmes mi-temps ! Certains de nos pilotes auraient pu aisément faire des « one man show »…
Avec le règlement deux litres en Andros, nous avions engagé une BMW Z3 sur laquelle on avait fixé le hard-top. Il me semble que c’est la seule fois où un Z3 a participé à une compétition de ce niveau.
Yvan a meme eu l’idée de courir les 24h de Chamonix avec cette Z3, malgré le déficit d’une centaine de chevaux face aux concurrents, ce qui ne l’a pas empeché de gagner le scratch ! »
BlogBMW.fr : « j’étais au Paul Ricard pour la finale en 1994, je ne pensais pas que les Audi pouvait gagner ce jour là…»
« Il est quand même étonnant que, lors cette finale du championnat du monde de Supertourisme, au Circuit Paul Ricard, alors que nous avions dominé toute la saison, les Audi, ce soit montrées aussi performantes. A se demander comment elles avaient retrouvé autant de performance en si peu de temps… surtout que Yvan connaissait la voiture et le circuit par cœur… bref… Il a quand même fini devant les BMW officielles. »
BlogBMW.fr : « La saison 1995 fut-elle la plus belle ? »
« En 1995, alors que nous n’avions qu’une seule voiture engagée, sans mulet, en Supertourisme en France, Yvan Muller remporte le titre ! Il avait une capacité à aller vite, mais surtout à aller vite au moment où il le fallait ce qui veut dire qu’il avait une intelligence en matière de gestion de sa course. Surtout qu’il était facile pour nos adversaires de prendre un maximum de risque en qualif, quitte à casser du bois et de faire la course avec un mulet !
Cette année là, le plateau était très complet avec Audi, Alfa Romeo, Opel… En plus, nous affrontions le team officiel Audi qui, après avoir été exclu du championnat allemand DTM pour un vilebrequin non conforme, était venu courir en France avec Franck Biela. Leur budget leur permettait de disposer de plusieurs voitures avec leurs mulets. Donc on se frottait à une équipe usine internationale.
Il y avait aussi toutes les architectures, nous étions bien entendu en propulsion ainsi que Mercedes, Audi en quatre roues motrices. Opel et Alfa-Romeo en traction.»
BlogBMW.fr : « Et à Magny Cours, il fut démontré qu’une propulsion pouvait gagner sous la pluie »
« Je me rappelle de cette course à Magny-Cours en 1993, où Laurent Aïello s’impose sous une pluie battante devant les Audi Quattro. À la fin de la première manche nous pensions que Audi avait fait une erreur de pneumatiques tellement Laurent avait dominé la course. Mais lors de la seconde manche, il remet ça et gagne à nouveau largement ! La voiture offrait une très bonne motricité, un très bon équilibre et elle était prévisible dans ses réactions. Nous avions déjà constaté ça pendant les essais libres. Lors de notre briefing avec la presse , Pascal Winzenrieth écrivait son article pour le journal l’Equipe et cherchait son titre…C’est Jean-Pierre Malcher qui a eu l’idée: « Aïello Submarine », en référence au fameux titre des Beatles, Yellow Submarine.
C’était aussi le triste week.end du mysterieux décès du Premier Ministre Pierre Beregovoy, que j’avais croisé la veille à Nevers, pourtant de fort bonne humeur…»
BlogBMW.fr : « Yvan Muller a fait une sacrée carrière en Andros… »
« Oui ! Quand on pense que, au départ, nous l’avions engagé uniquement pour le super tourisme, et pas pour la conduite sur glace. On lui avait proposé de faire quelques essais en vue de la saison suivante… Lors de la première saison, il a appris le pilotage et a gagné quelques courses en fin d’année. Puis il n’a plus arreté de gagner ! Il m’est arrivé de monter avec lui en passager mais Yvan ne voulait jamais qu’on regarde sur le jeu des pieds et interdisait qu’on les filme. »
BlogBMW.fr : « Pourquoi avoir tout arrêté ? »
L’engagement de BMW Group en Formule 1 en 1997 a mis fin à cette belle période. C’est dommage parce que nous étions très compétitifs. Nous avions notre team sportif, nos pilotes et nos sponsors fidèles avec une grosse médiatisation. Au final, le coût d’engagement était très réduit par rapport aux retombées.
Après ce passage « sportif », Jean-Michel JUCHET a rebondi, toujours chez BMW, mais à des fonctionsqui allaient lui faire connaitre une partie du monde… La suite au prochain et dernier épisode.
Propos recueillis par P. HORTAIL
Photos : JM Juchet