Et les Japonais prenaient de la place aux USA…
C’est ainsi qu’en 1989, Toyota lança la Lexus LS 400 et Nissan l’Infiniti Q45. Ces modèles suivaient le succès de l’Acura Legend, lancée dès 1986 par Honda. Ces marques visaient clairement BMW et Mercedes, Lexus imitant cette dernière, tandis qu’Infiniti ciblait BMW. Finalement, c’est Lexus qui bouleversa le plus profondément le marché américain… et les Allemands.
Toyota développa Lexus dès 1983, après des études poussées sur les goûts et habitudes des conducteurs américains. Lors du salon de Detroit en janvier 1989, la LS 400 séduisit immédiatement par ses qualités nombreuses. Elle offrait silence, qualité de fabrication, économie de carburant, confort, boîte automatique et moteur V8 efficace. Ce V8 4.0L développait 250 chevaux, tout en consommant peu et demandant peu d’entretien. Le slogan “The Relentless Pursuit of Perfection” (La quête incessante de la perfection), signé Saatchi & Saatchi, renforçait son attrait marketing.
La LS 400, ainsi que la plus petite ES 250, furent commercialisées dès août 1989 par 100 concessionnaires sélectionnés. Proposée à 35 000 $, la LS 400 coûtait bien moins qu’une Série 5, et au moins 15 000 $ de moins qu’une Série 7. Son tarif incluait des équipements que BMW faisait payer en option, sauf les freins ABS partagés. La presse automobile l’accueillit très favorablement, et Lexus égalait déjà les ventes de BMW.
BMW / Lexus, à chacun sa clientèle…
En février 1990, Lexus écoula 4 171 voitures contre 4 113 pour BMW. En fin d’année, Lexus atteignait 63 594 unités vendues, contre 63 646 pour BMW : presque égalité. Mais est-ce que Lexus volait les clients de BMW ? Pas vraiment, selon Karl Gerlinger. Président de BMW NA, il déclara en 1990 : “La majorité ne vient pas de chez nous, mais de marques japonaises. Cela rend plus difficile notre stratégie d’acquisition de nouveaux clients, qui cherchent à monter en gamme.” Pour s’imposer, BMW devait donc revoir sa politique tarifaire et son service client, domaine où Lexus excellait.
Lexus sélectionna soigneusement ses distributeurs parmi les meilleurs concessionnaires Toyota. En décembre 1989, deux clients signalèrent un problème sur le troisième feu stop. Lexus rappela immédiatement les 8 000 voitures vendues aux États-Unis. McGurn, présent à Munich ce jour-là, rapporta l’enthousiasme naïf des Allemands face à cette annonce. Mais la réponse de Lexus allait changer les règles du jeu.
Ils envoyèrent une dépanneuse au domicile du client, livrèrent une voiture de courtoisie, puis lavèrent la voiture réparée. Larry Demski, spécialiste technique régional BMW, reconnut que personne n’avait jamais offert un tel service. En seulement 20 jours, Lexus remplaça toutes les pièces défectueuses sur chaque LS 400 vendue. Ce niveau de service allait devenir une référence dans l’industrie automobile mondiale. BMW réagit en formant ses concessionnaires au service client, avec des outils, formations et supervision ciblés.
BMW devait faire évoluer son image !
En parallèle, pour contrer sa réputation de coût élevé, BMW inclut l’entretien pendant 4 ans ou 50 000 miles (80 000 km). Mais BMW devait aussi améliorer la fiabilité de ses voitures, souvent jugées peu fiables face aux japonaises. Demski avoua : “On disait ‘Ultimate Driving Machine’, mais elles ne roulaient pas !” Il rappela que les E30 de la fin des années 1980 tombaient en panne… sur le parking. Étant donné l’absence de Lexus en Europe, c’est aux États-Unis que BMW dut mener la bataille. Gerlinger, ancien dirigeant de l’ère Hoffman, devint président de BMW NA en août 1989.
McGurn loua son sens produit, essentiel pour redresser les ventes, malgré la pression de Munich. Pour 1991, BMW relança la Série 3 à quatre cylindres, disparue depuis six ans. La 318i, avec moteur M42 de 1,8L et 134 chevaux, coûtait 21 500 $. Pour plus de puissance, on pouvait opter pour la 325i à six cylindres et 168 chevaux pour 24 650 $. À l’autre extrémité, BMW proposait la spectaculaire 850i, V12 et plus de 90 000 $, lancée en 1991.
Mais cette 850i ne concurrençait pas Lexus, et la 318i non plus à court terme. Les ventes chutèrent à 53 343 unités en 1991 : un résultat très décevant. Victor Doolan, venu de BMW Canada fin 1991, reconnut : “Les Japonais nous dominaient clairement.” Leurs produits étaient bons, fiables, et leur réseau de concessionnaires était très bien structuré. Pour remonter la pente, BMW devait offrir de bons produits et un meilleur service client. L’entreprise releva le défi et travailla dur pour améliorer son offre. En 1992, les ventes remontèrent à 65 683 unités, entamant une croissance continue pendant près de vingt ans. Cette réussite reposait sur des modèles attrayants, un fort investissement aux États-Unis, et un réseau de qualité.